C'est la couverture d'une bande dessinée écrite et imaginée par Sabrina Arab, en collaboration avec l'illustrateur Zophrenski . Confiance en soi, apprentissage et découverte de la maladie, cette BD retrace en partie l’histoire de l’autrice, atteinte elle-même de...
Témoignage de :
Madame Sylviane F.
« Acquérir des techniques d’adaptation pour gagner en autonomie »
Quand on se trouve atteint de malvoyance, s’écouter ne fait pas avancer la situation d’un iota. Ressentir cette envie de faire face autrement constitue un grand pas, exigeant parfois du temps. Mais ce pas aussi timide puisse-t-il être en ses débuts, tient de la reconquête véritable. Celle qui, moyennant un apprentissage spécifique des autres sens que la vue, apporte au bout du chemin- et beaucoup des doigts- le maintien au quotidien d’une relative indépendance.
Voir autrement
« C’est l’année dernière après un temps d’anéantissement face à ma récente déficience visuelle qui s’était fortement aggravée, que j’ai décidé de relever la tête et de me prendre en main. Je refusais désormais d’assimiler perte de vue et fin d’une existence ouverte à des possibles, certes différents mais, nécessaires pour me sentir à nouveau vivante. En renseignant mon dossier pour l’institut Sainte Marie de l’Hôpital Saint-Joseph à Paris, j’entendais réduire l’impact de ma malvoyance. Comment ? En acquérant de nouvelles manières d’appréhender mon environnement et, autant que faire se peut, vivre plus librement avec mon résidu visuel.
Compte tenu de la crise sanitaire et autres aspects personnels, je n’ai intégré l’institution qu’en octobre dernier, alors même qu’initialement mon accueil en pension complète avait été programmé pour le printemps. Dès mon entrée, l’état visuel fourni lors de ma candidature complété de quelques examens sur place, ont permis d’élaborer au regard des objectifs que je souhaitais atteindre, mon parcours de soin personnalisé. Constitué de plusieurs ateliers individualisés de quarante-cinq minutes chacun, il a duré plus de trois mois. J’ai quotidiennement suivi des séances d’orthoptie, de psychologie, d’ergothérapie analytique, de motricité, de locomotion, d’informatique adaptée et de vie quotidienne. Cette prise en charge multidisciplinaire de trois, quatre ateliers chaque jour, assure l’optimisation des stratégies de réadaptation qui, toutes, s’avèrent complémentaires. L’approche parfois ludique des techniques d’apprentissage – il peut s’agir de jouer aux petits chevaux ou à Puissance 4 – évite l’ennui, tout en apprenant au fil des jours à toujours rester concentrée pour adopter d’autres réflexes. Remplacer dans les moindres gestes de la vie la vue par ses autres sens – toucher, ouïe et odorat plus particulièrement-, exige une pratique régulière pour devenir un nouveau réflexe, une seconde nature.
L’utilité réactivée de nos sens
A travers l’atelier d’ergothérapie analytique, on apprend à balayer avec nos mains l’espace qui nous environne pour le comprendre et y trouver ses propres repères. Cette exploration consiste, par exemple, à balayer avec lenteur et tout en délicatesse afin d’en mémoriser les moindres détails, une surface où sont jetés des trombones que l’on doit rassembler en un tas. Ces exercices vous font prendre conscience combien votre toucher est désormais votre vue et que c’est ce sens-là qui désormais vous renseigne sur la disposition des objets autour de vous. Exactement l’inverse d’avant quand il vous suffisait de voir pour, ensuite, agir. De même, lors de l’atelier locomotion, on vous enseigne comment appréhender un carrefour. C’est en écoutant d’où viennent les voitures de la gauche ou bien de la droite que, dans sa tête, on recrée l’organisation de ses repères dans l’espace. Au fil des jours, on fait également beaucoup plus attention aux odeurs. Que l’on se promène en ville en passant près d’une boulangerie ou que l’on soit non loin d’un espace où les effluves d’eau de javel vous indique que c’est l’heure du ménage.
Sérénité recouvrée
Aussi bienveillant soit votre entourage, on demeure souvent seule face à notre handicap visuel au sein d’une société prenant rarement en compte nos difficultés. Or, le professionnalisme du personnel de l’institut assure une réelle compréhension des incapacités crées par la perte de vue. Avec les autres pensionnaires, il vous aide à reprendre confiance en vous par les progrès que l’on réalise chaque jour sur la voie difficile d’une nouvelle autonomie. Leurs astuces et conseils facilitant grandement la vie, qu’il s’agisse du fonctionnement vocal de son smartphone, des outils de compensation pour cuisiner, lire, coudre et de nombreuses autres activités, viennent consolider un long travail d’apprentissage. »
Bien évidemment, on n’accepte jamais une déficience visuelle que l’on n’a pas choisie, mais par différentes techniques et une nouvelle utilisation de ses sens, on vit avec cette malvoyance qui nous ouvre les yeux sur d’autres façons d’appréhender l’existence. Cette rééducation sensorielle apporte une sérénité face à l’avenir. Bien évidemment, la vie ne redevient pas comme avant; elle continue par l’entremise d’autres manières de faire. On sait qu’elle sera plus compliquée, mais elle gardera ses joies partagées, sa beauté toujours renouvelée et c’est bien là l’essentiel.